rès de deux ans de travail ont été nécessaires au président Jacques Puyaubert et à son équipe pour rédiger ce document d'exception qui fera date. Le numéro spécial des « Cahiers des Amis de Sainte et sa région », qui sera présenté au lycée Reclus-Broca vendredi en fin d'après-midi, est intitulé « Le Sort des juifs à Sainte-Foy-la-Grande (1939-1945) ». Une œuvre de collecte de multiples témoignages qui aboutit à 165 pages d'une qualité historique et scientifique redoutable. « Je crois qu'en Aquitaine cette expérience de collecte de la mémoire collective sur ce sujet est assez neuve parce que Sainte-Foy et sa petite région ont représenté un havre de paix relatif où les juifs ont pu se sentir protégés pendant une partie de la guerre », argumente Jacques Puyaubert, agrégé d'histoire, qui a fait une grande partie de sa carrière d'enseignant dans la bastide.
En zone libreEn 1939, il n'est recensé qu'une seule famille de religion juive dans la cité, les Bouaknim. La boutique Chez David - À la renommée du vêtement - se trouve place de la Mairie. David, originaire de Ouarzazate (Maroc), s'est installé en 1925 avec son épouse Rachel. Pour certains, il était « le négro » ; pour d'autres, il était David.
Son fils Gilbert témoigne de ce quotidien foyen, quasi idyllique, qui va devenir beaucoup plus compliqué sous le régime de Vichy et l'occupation allemande. La communauté juive comprendra des dizaines de familles venues trouver refuge en terre foyenne près de 180 personnes, en 1944. « Sainte-Foy se trouve en zone libre, juste derrière la ligne de démarcation. D'abord le noyau protestant (pasteurs, associations, familles) était fort actif, possédait des réseaux en connexion avec Bordeaux et considérait de manière positive les israélites et les juifs en général, explique Jacques Puyaubert. De plus, de multiples complicités ont vu le jour pour entourer les juifs repliés, parfois dès le début de la guerre, avec les personnes déplacées depuis la Lorraine ou l'Alsace : municipalités, secrétaires de mairie, gendarmeries ont donné les coups de pouce indispensables. »
« Parpaillots » résistantsMais les « parpaillots » n'étaient pas les seuls. Gilbert Bouaknim cite en exemple les familles Lamothe et Décombe. Jean Lamothe et Marcel Décombe sont plus connus comme des laïcs farouches, que comme des « grenouilles de bénitier ». « La solidarité active en faveur des juifs de Sainte-Foy a inclus et dépassé le cadre des cercles protestants, concernant des pans entiers de la microsociété locale. Elle s'est exercée largement dans les institutions pour la jeunesse, comme les Éclaireurs unionistes, mais aussi la Jeunesse catholique foyenne (JCF), le club de foot et d'athlétisme, le Stade Foyen… », peut-on lire dans la présentation de ce cahier.
On fait la connaissance aussi d'Alice Girou, en charge des services sociaux du quotidien « La Petite Gironde », qui était la fille d'un batelier foyen, et a permis à de nombreuses familles d'être accueillies dans le Pays foyen. Pineuilh, Saint-Quentin-de-Caplong, Gensac et Pessac, mais aussi Port-Sainte-Foy et Saint-Aulaye sont des points de refuge des deux côtés de la rivière. Avec ce document, l'histoire de la vallée fait un grand pas, et l'histoire tout court réalise une belle avancée. Il se conclut sur le massacre de six juifs dans le bois de Souleillou, près du Fleix (24) par des Français. Des corps francs, commandés par un certain Besson-Rapp aux côtés de l'armée allemande, qui d'ailleurs sauvera sa tête à la Libération.
Vendredi 3 décembre, à 18 heures, au lycée Reclus-Broca, 7, avenue de Verdun.
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