Article du 15 janvier 1927 Obsèques de M. Armand Reclus décédé le 9 janvier 1927 à Sainte-Foy-la-Grande.
(Collection particulière J. et N. de Lenclos).
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Les habitants de Sainte-foy-la-Grande ont suivi hier en masse le cercueil de M. Armand Reclus, leur compatriote, le dernier survivant des cinq frères Reclus : Élie, Élisée, Onésime, Armand et Paul, qui ont grandement honoré leur petite patrie.
A cette occasion, notre distingué maire, M. Faucher, a salué au cimetière la dépouille mortelle de M. Armand Reclus, au nom de ses concitoyens et a prononcé la belle allocution suivante :
« Dans notre France, si féconde en beautés et en richesses de toutes sortes, il est bien des villes, bien des villages qui ont vu sortir de leur sein un homme supérieur aux autres par ses vertus morales ou sa puissance intellectuelle.
Mais combien peu sont capables de s'enorgueillir, comme notre petite patrie de Sainte-Foy, d'avoir donné le jour à toute une famille, je dirais presque « à une race », ayant un caractère propre très particulier, et dont tous les membres se sont révélés éminents dans l'un ou l'autre des domaines de l'esprit. Ce que fut pour Sainte-Foy la famille Reclus, la municipalité et la population de Sainte-Foy ont estimé qu'il appartenait au maire de cette ville de le dire devant le cercueil du dernier représentant mâle de la famille, M. Armand Reclus.
Ses aînés, partis tôt de leur pays d'origine, ne l'oublièrent pas, mais se donnèrent à leur patrie plus vaste notre France, dont ils surent si bien dire la gloire et la beauté. Onésime Reclus, et surtout Armand Reclus, revinrent après avoir eux aussi couru le vaste monde, et se consacrèrent plus entièrement à ce petit coin de terre gasconne, où les rattachaient leurs souvenirs d'enfance, et pour le dernier au moins, des souvenirs de famille très chers.
Leurs silhouettes familières sont trop dans toutes les mémoires pour que j'aie à les dessiner ici. Et tous ceux qui ont eu le privilège de s'entretenir avec celui qui vient de nous quitter, savent comment, sur tous les sujets, les plus variés, cet esprit si vif, si alerte jusqu'à la dernière minute, savait faire jaillir l'étincelle imprévue, comment sa conversation, si profonde sous l'apparence paradoxale souvent voulue, se parait de facettes, comme un joyau. Vous savez quelle grande œuvre avait occupé la pèriode de sa vie. Il avait avant tout le monde pressenti l'importance universelle de cet isthme de Panama, porte de séparation, ou de communication, entre deux mondes, autour duquel s'agitent encore tant d'intérêts et de rivalités. Il eut le chagrin de ne pas voir réaliser par la France l'œuvre qu'il avait étudiée, mais son souvenir y demeure attaché, matérialisé là-bas, dans le monument qui consacre la gloire des premiers pionniers de cette œuvre gigantesque. Il nous quitte, sa course achevée, dans la jeunesse, si j'ose employer cette image, de ses 84 ans ; il nous quitte sans souffrances, emporté par une mort qu'il eut certainement choisie, qui l'a laissé lui-même, lui tout entier, jusqu'au dernier moment. Et c'est ainsi que rien ne déparera le souvenir que nous conserverons de lui et par lui de toute la lignée des Reclus.
Il n'était pas seul parmi nous ; ceux qui s'occupent des choses foyennes, savent quelle place tient Mme Reclus dans la vie sociale et charitable de Sainte-Fpy. Puisse son deuil cruel ne pas la décourager dans les tâches qu'elle remplit dans notre ville.
Puisse aussi ce deuil être adouci par le sentiment, que la population de Sainte-Foy se réunit à elle, et à sa famille, dans les regrets de leur cher disparu et, que vivre, sur les bords de la Dordogne, dans les mémoires, au-dela des limites trop brèves de la vie humaine, le nom de l'épouse et du père qui nous a quitté, le nom de la famille Reclus. » ...
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